Culture METAL était en mode promo et “pilier de comptoir” lors de la semaine de inaugurale du bar Hellfest Corner à Paris. 🍻
🎙 ITW avec Laurent Rossi, le co-gérant du bar Hellfest Corner ; une interview dans l’esprit de Culture METAL où l’on parle aussi de metal et de littérature.
Merci à toute l’équipe du Hellfest Corner pour son accueil si chaleureux. 🖤
Propos recueillis le samedi 30 novembre 2019 après-midi au Hellfest Corner.
Amandine : Le Hellfest Corner a ouvert ses portes le mercredi 27 novembre 2019 avec une pré-ouverture le week-end dernier. Aujourd’hui, on arrive à la fin de la première semaine depuis l’ouverture. Faisons alors un bilan de la première semaine.
Laurent : Un bilan ! Écoute, ça s’est très bien passé, notamment vis-à-vis des voisins qui avaient légitimement très peur et finalement ça se passe bien. Ils avaient très très peur de voir débarquer des hordes chevelues, etc. mais finalement ils se sont rendus compte que c’était des bisounours, donc ça c’est cool. On a eu des ratés au bar, mais ça c’est normal. On a eu énormément de problèmes techniques, ce qui est normal dans un lieu tout neuf, mais on a essayé d’y pallier plutôt dans la bonne humeur. Je crois que globalement – on ne va pas plaire à tout le monde – mais je crois que globalement, les gens sont très contents de leur expérience ici, qui va s’améliorer encore.
Amandine : En tout cas, en tant que cliente du Hellfest Corner, je ne ai pas remarqué de soucis techniques. Seule remarque : la carte où c’est écrit beaucoup trop petit !
Laurent : Quand on l’a vue arriver, on s’est dit ‘Oops !”
Amandine : Mais ça a aussi permit des rapprochements entre les clients.
Laurent : C’est ça !
Amandine : Par exemple, j’ai fait la lecture de la carte à Mouss de Mass Hysteria, jeudi soir.
Laurent : On va la changer. Si vous venez et qu’il y a encore la mini-carte, n’hésitez pas à l’embarquer en souvenir, ça va être un collector.
Amandine : Alors j’en embarque une, que je mets avec mes papiers d’interview. Bref, revenons-nous en aux retours des voisins. Ce que tu dis, c’est un peu comme quand le Hellfest Open Air s’est implanté à Clisson, ça faisait peur à tout le monde et aujourd’hui, plus personne ne s’oppose au Hellfest. Et ici à Paris, avec l’ouverture du bar le Hellfest Corner, il y a eu un peu le même effet ?
Laurent : Alors, je pense moins, ce que les voisins craignent ici, ce sont les nuisances sonores. C’est pour ça qu’on a fait des travaux d’isolation phonique. On a installé un fumoir. Ce que craignent les voisins, ce sont les nuisances sonores, mais cette crainte était multipliée du fait que c’était le Hellfest et des metalleux, etc.
Amandine : Mais de toute façon ici au Hellfest Corner, il n’y aura pas de concerts.
Laurent : Non. En fait, depuis les évènements du Bataclan, pour accueillir un public dans le cadre d’un spectacle, il faut un lieu avec une porte de sortie de secours qui donne directement dans la rue. Or, c’est impossible ici. Y’a déjà une raison de sécurité. Y’a des normes. Et on a fait les choses très sérieusement. On a fait venir des acousticiens. On a fait venir des ingénieurs structures. Ici, on est dans un immeuble du XIXe siècle. En face, c’est classé monument historique d’ailleurs. Et la structure même du bâtiment ne permet pas d’encaisser les vibrations sonores.
Amandine : Avant le Hellfest Corner ici, c’était le Dr.Feelgood et y’avait des concerts.
Laurent : Tout à fait, et c’est ce qui a posé le plus de problèmes. Mais ce n’est pas étonnant. Ici, tu vois tous les poteaux qui soutiennent, qui sont porteurs, tu ne peux réellement bien isoler un poteau, encore moins quand c’est de la fonte. Les vibrations montaient. Les voisins, c’est presque comme s’ils avaient le concert dans leur salon et je peux comprendre que c’est impossible pour eux.
Amandine : Le Hellfest Corner, c’est un lieu metal qui se démarque de tous les autres lieux metal. En ce lieu, il n’y aura pas de concert, il y a une boutique et aussi c’est un lieu qui permettra des dédicaces, des rencontres comme jeudi soir par exemple.
Laurent : Comme ce qu’on a fait jeudi soir. En fait, l’idée, c’est de faire venir des artistes, créer des rencontres. Ce ne sera pas forcément que des musiciens. On va accueillir des écrivains. On va accueillir des plasticiens aussi d’ici peu, pour qu’ils expliquent comme ils travaillent soit avec le Hellfest, soit dans l’absolu. Et l’idée, c’est qu’ils restent après, que les gens puissent boire un coup. Jeudi soir, y’avait Mass Hysteria, No One Is Innocent, Kreator, Khaos-Dei autour de Cédric Sire et j’en passe aussi.
Amandine : Y’avait du beau monde !
Laurent : Y’avait du beau monde. Et ils sont restés quasiment jusqu’à une heure du matin. Et ils ont pu discuter avec les gens, mais à la cool, pas dans le stress du “j’ai un concert à faire” et c’est un peu ce qu’on va essayer de développer le plus, c’est que ça soit effectivement un lieu de rencontre. C’est très ambitieux et un peu ridicule de dire ça, car ça reste un lieu commercial, mais j’aimerais bien que ça devienne une sorte de centre culturel du metal.
Amandine : Et justement de la culture metal. Car souvent quand on pense “metal”, on pense aux musiciens, mais il n’y a pas que les musiciens parmi les gens qui font le metal.
Laurent : Le metal est une culture en tant que telle parce qu’il y a une littérature large, Lovecraft, qui n’est pas un auteur vraiment metal, mais qui a été pris par les metalleux, poussé et cité dans des milliards de chansons, Tolkien, Stephen King, plus récemment Dan Simmons, et puis y’a forcément les romantiques, Lautréamont, Beaudelaire, Rimbaud qui ont été aussi énormément citée, Edgar Allan Poe. Par exemple, je suis en train de réfléchir – c’est un peu emmerdant car j’ai du mal à avoir accès à tous les livres que je veux – à faire une sorte de parcours littéraire. Tel livre qui a inspiré telle ou telle chanson. Y’a énormément de gens qui ne savent pas que Murders In The Rue Morgue de Iron Maiden est tirée d’une nouvelle de Edgar Allan Poe. Je pense même qu’il y en a qui ignorent encore que The Call of Ktulu de Metallica est tirée de Lovecraft.
Amandine : Y’a des universitaires qui travaillent sur les rapports entre le metal et la littérature. Par exemple, Camille Migeon-Lambert qui est entrain d’écrire sa thèse sur la place et la fonction de la littérature dans le metal a écrit un article sur les liens entre Dante et le metal pour Culture METAL https://culturemetal.com/2018/10/29/relire-dante-par-le-metal/. Y’a des universitaires qui travaillent sur les questions autour du metal, donc si tu as parfois peut-être besoin d’avoir des conseils…
Laurent : Bien-sûr. D’ailleurs, là je suis en train de voir. Bon, ce n’est pas quelqu’un qui communique beaucoup, mais j’aimerais bien faire venir un anthropologue qui se penche justement sur les metalleux, sur les tribus du metal qui sont nombreuses, sur les us et coutumes, sur ce qui font que quand même ils se retrouvent tous ensemble, c’est le cas du Hellfest où t’as autant des blackeux, que des deatheux, que des punks que des hardcoreux ou des headbangers. Et voilà, ça se passe bien. Et il travaille là-dessus. Bon, il n’est pas super sûr de ses conclusions, mais dès qu’il sera un peu plus sûr. En plus, c’est un statisticien, donc il travaille aussi avec des chiffres. Et j’aimerais beaucoup qu’il vienne ici présenter ses résultats.
Amandine : Y’a Gérôme Guibert, Corentin Charbonnier.
Laurent : Corentin Charbonnier dont le livre sera disponible ici en anglais et en français dans les jours qui viennent.
Amandine : D’accord ! Parce que je n’ai pas vu son livre à la librairie.
Laurent : Parce qu’il a oublié de me les envoyer.
Amandine : En tout cas, c’est super intéressant ! D’ailleurs, enfin, tu as déjà répondu en partie à la question, mais les artistes qui étaient ici pour la dédicace du livre, en tout cas, ils avaient l’air d’être très heureux d’être là. La preuve, c’est qu’ils restés jusqu’à une heure du matin.
Laurent : En fait pour un artiste, c’est agréable. D’ailleurs, là on va expérimenter d’ici peu avec des artistes internationaux. Je ne vais pas dire qui encore. Quand ce sera confirmé, si ça se confirme, les gens seront très très contents parce que ce n’est pas forcément quelqu’un d’accessible. En fait, j’ai travaillé pendant vingt-cinq ans en maison de disques. Donc, les parcours promo des artistes, je connais ça par coeur, c’est à dire la journée d’interview non stop, les interviews le jour du concert, la séance de dédicace à l’arrache. Là, l’idée, c’est que les mecs soient “en off”, qu’il aient le temps, qu’ils ne soient pas contraints. S’ils s’emmerdent, ils se barrent. Mais s’ils trouvent ça cool, ils restent. C’est aussi un moyen pour un artiste de rencontrer son public dans un contexte autre.
Amandine : Mais, comme jeudi soir, l’accès à la séance de dédicace était quand même limité. C’est sûr, ça va être un lieu de rencontre entre les artistes et leur public, mais avec un accès restreint.
Laurent : Pour que ça marche, on est obligés de restreindre. Mais au moins, je dirai que ce sont les vrais fans, en tout cas, ceux qui sont le plus intéressés par le sujet qui vont être là. Mais tu vois, même mercredi soir, il n’y jamais eu plus de 110 personnes ici.
Amandine : Mercredi soir, mais pourtant, il y avait beaucoup de monde.
Laurent : Mais 110 personnes, ça se gère. Les gens peuvent encore circuler, etc. Mais c’est une jauge qu’il ne faut pas dépasser. Si, ça me semble improbable, mais si demain Kiss nous dit : “Ah tiens, cool, on va venir boire un coup.” Okay. On parle de Kiss. Je suis archi fan de Kiss. Y’a plein de gens qui sont aussi fan de Kiss. Donc, t’es obligé de limiter l’entrée.
Amandine : Cette semaine, l’accès au Hellfest Corner ne faisait sur réservation. Avez-vous eu des critiques par rapport à ce système de réservation ?
Laurent : Alors on en a eu, c’est dommage. Mais ce qu’il faut que les gens comprennent, c’est que quand un bar ou un restaurant s’ouvre, en général, avant de faire son inauguration, ils ont dix/quinze jours, où ils invitent leurs potes, ça se fait entre les gens du quartier, un peu en catimini, pour régler des problèmes, pour voir ce qui marche, ce qui ne marche pas. Quand tu t’appelles le Hellfest, tu n’as pas le choix, tu ne peux pas faire ça. L’idée c’était, on va faire ce rodage, alors on va essayer de maîtriser le flux, déjà nous, pour faire face et aussi on ne va pas se mentir, pour ne pas que ce soit une expérience désagréable pour les gens, parce que si tu te retrouves dans un bar qui est blindé, que tu mets quinze minutes à attendre ta bière, que tu ne peux pas respirer, ou pire encore, c’est que tu attends dehors. Tu te dis, c’est bon, je ne reviens pas, ça me saoule.
Amandine : On n’imagine pas une file d’attente ici dans la rue Quincampoix. C’est par ailleurs une critique que l’on fait déjà souvent au Hellfest Open Air, “qu’il y a trop trop de monde.”
Laurent : C’est pour ça qu’on a régulé l’entrée. La semaine prochaine, c’est fini ce système de réservations, parce qu’on estime que l’effet nouveauté sera déjà estompé. Déjà y’a la jauge légale, mais il ne faut pas dépasser la jauge de confort. J’espère que les gens comprendront si malheureusement ils ne peuvent pas rentrer, mais ça me semble improbable. Je pense que l’excitation du départ est retombée. Mais si un jour, ça doit arriver, c’est pas pour les faire chier les gens, c’est juste que si c’était eux qui étaient à l’intérieur à se retrouver compressés…
Amandine : Je pense que les gens ont compris. Vous avez eu des critiques, mais pas tant que ça !
Laurent : Je crois aussi, mais c’est aussi l’avantage de s’adresser à des metalleux. C’est que les metalleux sont terriblement cinglants, terriblement critiques, par rapport au Hellfest, mais par rapport au Motocultor et par rapport à beaucoup de choses. Ils ont un peu une attitude d’enfant gâté. Mais t’as envie de leur dire, mais va te faire des gros open-air, notamment en Angleterre ou ailleurs, tu vas comprendre ce qu’est que la misère. Et donc, ils ont cette attitude très “enfant gâté” les metalleux. Mais en même temps, ce sont des gens qui réfléchissent beaucoup, qui sont très passionnés et ils peuvent accepter par passion certaines contraintes, c’est aussi la beauté de cette scène et de son public.
Amandine : Et la clientèle que vous avez reçu depuis mercredi, ça a été quand même surtout une clientèle de metalleux. Vous avez sans doute eu quelques curieux…
Laurent : … qui ont détesté d’ailleurs. Ce qui est parfait !
Amandine : Et pourquoi ? Qu’est-ce qui a gêné ces curieux ?
Laurent : Je pense qu’il avaient le sentiment qu’ils allaient entrer dans un pogo géant avec de la musique à donf, que ça allait être trop la murge et voilà, alors que ce n’est pas du tout le truc. Ce que je veux, c’est que les gens puissent se parler et puissent se rencontrer au bar autour d’un verre. S’ils vont des concerts : “Ah t’y vas aussi. Viens, on y va ensemble.” Voilà, c’est plus ça l’idée. Ça ne reste qu’un bar, rien ne vaudra une salle de spectacles.
Amandine : En bas, y’a la boutique. Est-ce que les gens respectent le fait qu’on ne descende pas avec son verre ou avec son cornet de frites ? De toute façon, le public metal est un public respectueux.
Laurent : Absolument. D’ailleurs, bien plus d’ailleurs que le public lambda.
Amandine : Vous n’avez pas besoin de mettre un vigile en bas pour dire aux gens : “Tu ne descends pas avec ton verre.”
Laurent : On n’en a pas d’ailleurs. Parce qu’on le sait bien. Tous les gens qui sont ici sont des metalleux. Par exemple – alors peut-être que je ne devrais pas le dire – en bas au shop, il n’y a pas de système anti-vol parce qu’on sait qu’on ne se fera pas voler.
Amandine : Là, j’ai laissé mon téléphone en charge. Je n’ai pas toujours les yeux rivés dessus. Je sais qu’il n’y aura pas de problème.
Laurent : Il faut quand même être prudent. Paradoxalement, t’es beaucoup plus en sécurité entre guillemets ici que dans n’importe quel bar lambda du quartier.
Amandine : D’ailleurs, c’est aussi ça que j’apprécie dans le milieu du metal, en tant que femme aussi par exemple.
Laurent : Y’a des gros lourdauds aussi. Mais effectivement paradoxalement, y’en a moins qu’ailleurs. Mais y’en a quand même.
Amandine : Y’en a. En tout cas, je suis ici au Hellfest Corner tous les jours depuis mercredi.
Laurent : C’est ça, t’es une habituée.
Amandine : Et je me sens ici comme à la maison.
Laurent : C’est cool parce que c’est exactement ce qu’on veut.
Amandine : Merci, en tout cas pour ça. C’est vrai que quand Ben Barbaud a annoncé l’ouverture d’un bar Hellfest à Paris, je me suis demandé, mais je suis quand même venue par curiosité et aussi par rapport à Culture METAL et je me sens comme à la maison, je suis contente d’être ici et j’étais très contente de la soirée de jeudi où y’avait tout ce gratin du metal français.
Laurent : Et ça d’ailleurs aussi, je trouve ça assez sympa. Y’a Stéphane Buriez qui est venu dès mardi soir, y’avait les gars d’ACOD qui sont venus nous voir, y’avait les gars de Shaârghot qui sont venus nous voir. Ça je trouve ça cool que les artistes viennent. En plus, ils ne viennent même pas dans l’esprit “je me représente”, ils viennent dans l’esprit : “ça va être cool, on va boire un verre !” et ça je trouve que c’est déjà plus ou moins réussi. Les mecs sont venus par curiosité et ils sont restés parce qu’il se sont sentis bien.
Amandine : En tout cas, merci et bravo !
Laurent : Heu bravo… On refait un bilan dans six mois et là on verra.
Amandine : Je pense que je reviendrai et on en rediscutera. Mais pour l’instant en tout cas, c’est une réussite, un lancement réussi. Donc, il n’y a pas de raisons.
Laurent : C’est ça. Espérons… Merci beaucoup !
Amandine : Merci à toi. Super ! Merci beaucoup.
Je renvoie mes lecteurs à l’interview de Laurent Rossi par Amaury Blanc de Radio Metal (ITW en date du 19/11/19) 👉 http://www.radiometal.com/article/hellfest-corner-moindres-recoins,353697#more-353697
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