Aujourd’hui à Culture METAL, nous parlons d’art et de photographie de concert metal !
Amis metalleux angevins, vous sentez-vous nostalgiques et manque de concerts metal ? Allez donc à la rencontre d’un photographe de concerts de metal au sein de son exposition où vous admirerez ses oeuvres photographiques qui vous rappelleront nulle doute, vos meilleurs souvenirs de concerts.
L’exposition photographique Metal Zôon se tient en ce moment même sur l’île de Behuard à 20 minutes d’Angers (49), dans la salle de la mairie du village, du lundi 24 au dimanche 30 août 2020. Le photographe y effectuera les permanences de 11h à 19h.
L’exposition est soutenue par galerie Trois Murs qui avait abrité Metal Zôon en juin. https://www.troismurs.art
Je me suis entretenue avec Ronan Le Saux, photographe l’exposition Metal Zôon. Ainsi, je vous présente ainsi son travail artistique et photographique.
🎙 ITW avec Ronan Le Saux pour Culture METAL :
Amandine : Peux-tu te présenter en tant photographe et photographe de concert metal, puis présenter ton travail photographique ? Quel a été l’impact de la crise COVID 19 sur ton travail et ton métier de photographe ?
Ronan : Tout d’abord, je précise que la photographie n’est pas mon métier (malheureusement !) mais une passion que je pratique depuis l’adolescence (donc depuis longtemps). Mon travail photographique a beaucoup varié au fil des ans et de l’évolution de mes centres d’intérêt. J’ai commencé, comme beaucoup, par des récits de voyages puis diversifié les expériences avec, comme fil d’ariane, un goût prononcé pour la série photographique. Cela s’explique sans doute par la volonté de raconter une histoire…
Je suis aussi passionné de musique (que je pratique en amateur). Au début des années 2010, je suis revenu vers la musique métal que j’avais un peu délaissée 15 ans plus tôt au profit du jazz. C’est en renouant avec les concerts de métal que j’ai eu envie de les mettre en images et je suis devenu photographe assidu de concert métal réellement depuis 2015. Cela ne m’empêche pas de photographier aussi d’autres styles musicaux (par exemple, le jazz) ou d’autres thèmes que la musique, mais le métal reste un sujet de prédilection.
« Métal zôon » est un travail photographique qui a un sens pour moi. Car il part d’une analyse de ma propre perception de la musique métal : « pourquoi j’aime le métal ?« … et est nourri de lecture d’articles sur la musique métal et d’échanges avec des universitaires qui travaillent sur ce thème. Je me suis rapidement orienté vers l’idée d’illustrer le concept d’animalité dans la musique métal. Pas au sens péjoratif du terme comme cela est le plus souvent présenté dans les grands médias (« musique bestiale« …) mais dans son sens noble, pour explorer la richesse de cet art musical. C’est pourquoi le concept de zôon des grecs anciens m’a paru intéressant. Le Zôon désignait « l’ensemble des êtres animés dotés d’une âme » et s’inscrivait dans une perception du vivant comme un continuum de l’animal jusqu’aux Dieux. L’analyse conceptuelle s’arrête là : il s’agissait pour moi de donner un sens aux séries de photos que je présente, et non de proposer une suite d’images pêle-mêle.
La crise COVID 19 a failli compromettre cette exposition qui devait initialement démarrer quelques jours après le début du confinement. Evidemment ce préjudice était totalement anecdotique en regard de l’impact qu’ont subi nombre de personnes du fait de cette crise. C’était juste une déception à titre personnel. Mais dès le début de la première phase de déconfinement, John Moleenar qui tient la galerie Trois Murs où est présentée l’exposition, m’a proposé un nouveau créneau qui venait de se libérer mais qui était très proche. J’ai évidemment foncé.
En matière de pratique photographique, cette crise COVID 19 et particulièrement la période de confinement m’a orienté vers une nouvelle thématique : les oiseaux. Je m’amusais de les imaginer constater que les humains étaient enfermés tandis qu’eux étaient plus libres que jamais… Je me suis donc passionné pour leur observation dans le but de les photographier.
Amandine : La crise du COVID impacte toujours le milieu culturel et événementiel. L’incertitude plane sur la reprise des concerts et des festivals. Comment le vis-tu ?
Ronan : C’est frustrant mais sans doute nécessaire dans le contexte actuel. Ce sont les conséquences ultérieures sur le milieu culturel qui me préoccupent le plus, sur les associations qui organisent des concerts, sur les salles (surtout les petites structures), sur les groupes. Personnellement, j’ai beaucoup de matière photographique brute à travailler, donc ça ne me handicape pas excessivement dans mon travail de photographe. Mais j’ai hâte de revivre de la musique live.
Amandine : Photographies-tu toujours les oiseaux comme pendant le confinement ?
Ronan : Oui, c’est un sujet qui me tient à cœur depuis deux ans maintenant. Le confinement a été l’élément catalyseur pour me concentrer sur la prise de vues mais j’avais recommencé à observer les oiseaux depuis début 2019 (j’avais déjà pratiqué l’observation d’oiseaux quand j’étais jeune adulte puis abandonné cette pratique). Cela devrait être le sujet de ma prochaine exposition à la galerie Trois-Murs à Savennières (a priori fin février-début mars 2021). L’idée est de poser, sur les oiseaux familiers de notre quotidien, un regard, non pas naturaliste – au sens ornithologique – mais subjectif (poétique ?), concentré sur l’instant.
Amandine : La peur du virus et les mesures sanitaires : gestes barrières, port du masque obligatoire, etc… qui sont mises en place ne dissuadent-elles pas les visiteurs d’expositions ?
Ronan : Je ne dispose d’éléments de comparaisons avec la période avant-COVID puisque l’expo de Savennières en juin, était ma première exposition grand public. Mais j’observe que les gens ont globalement intégré ces gestes barrière. Le port du masque, à quelques exceptions près, est devenu réflexe et ne pose pas de difficultés.
Amandine : Les visiteurs en manque d’évènements affluent-ils malgré tout ?
Ronan : Je ne sais pas s’il s’ils sont moins nombreux mais je constate du passage touristique, même en fin de saison, surtout dans un village comme Béhuard répertorié par les guides touristiques et franchement agréable et beau à visiter. Certains visiteurs sont heureux de voir une « exposition ouverte par les temps qui courent ». Le public est très familial : des enfants, des ados, de jeunes couples, des gens âgés… Les anciens montrent un enthousiasme surprenant à découvrir la culture metal, totalement méconnue pour eux. Ils notent le nom de certains groupes pour les écouter. Les échanges, nombreux, la démarche et l’approche visuelle que je leur propose permettent de rompre les barrières des a priori. Ils apprécient qu’on leur explique la richesse de la culture metal. Tout cela est riche et les retours positifs font plaisir.
Amandine : Pourquoi as-tu fait le choix d’être hors des réseaux sociaux au temps où beaucoup de photographes alimentent des pages Facebook ou des comptes Instagram ?
Ronan : Question complexe. Histoire de génération ? J’ai du mal à adhérer à la philosophie des réseaux sociaux : l’instantanéité, l’aliénation au principe de l’alimentation en continu, le côté éphémère et superficiel des échanges et puis cette traçabilité omniprésente, me rebutent un peu. Ces médias me semblent futiles dans le sens où ils ne permettent d’aller au fond des choses. Je suis davantage imprégné de la culture de la qualité que de celle de la quantité. Et ces médias ne me paraissent pas répondre à cet impératif. Sans compter l’effet déshumanisant qu’ils me renvoient : je privilégie la communication directe et le contact humain. C’est une pratique que je mets aussi en œuvre en photographie, lorsque c’est possible : je préfère aller au contact du sujet plutôt que d’utiliser le « filtre » d’un téléobjectif. Bref, j’ai l’impression de préserver une liberté d’agir et de penser en m’affranchissant de ces médias. Il y a peut-être aussi une forme de choix artistique : je préfère que les gens viennent voir le résultat « physique » de mon travail et échangent avec moi, plutôt qu’ils ne le suivent que par écran (parfois mini-écran) interposé… Entre un tirage d’art d’une photo et une photo sur téléphone portable, la portée et l’aboutissement de l’œuvre ne sont pas les mêmes. Il n’y a nulle vanité dans ces propos, juste un ressenti personnel. Tout cela est très subjectif et je respecte l’utilisation des réseaux sociaux. Je ne nie pas non plus l’impact que ces médias peuvent avoir en termes de communication par leur effet démultiplicateur. De ce point de vue, je perds évidemment de la visibilité à ne pas les utiliser. Finalement c’est sûrement davantage une question d’état d’esprit. Et je pourrais évoluer sur la question.
Amandine : Revenons-en au metal. Quels groupes as-tu photographiés ? Des groupes locaux, des groupes internationaux ? Sur quelles scènes (salles et festival) ? En France, à l’étranger ? Préfères-tu faire des photos de concert en salles ou en festival ?
Ronan : Les groupes présentés dans l’exposition et, plus généralement, que je photographie, sont d’abord des groupes que j’apprécie. Mon approche est « artistique » pas « commerciale ». Je vais voir un concert et le photographier pour allier deux plaisirs. Les groupes sont très variables, français, internationaux, amateurs ou semi-pro. Ce sont rarement de purs professionnels car les sous-genres de métal que j’apprécie particulièrement restent des « niches » musicales peu rentables commercialement. Mais sur scène ce sont de vrais pros et je suis particulièrement impressionné par leur aisance et leur professionnalisme qui, jamais, n’altère leur passion, palpable par le public. C’est d’ailleurs cette passion que j’essaie d’exprimer dans mes images : l’émotion d’une image me semble plus importante et touchante que sa perfection technique.
A ce jour, je n’ai photographié que des concerts en France. Beaucoup sur les scènes de l’Ouest de la France (essentiellement Ferrailleur et Scène Michelet à Nantes, un peu le Chabada à Angers, voire Rennes), sinon à Paris et dans quelques autres régions françaises. J’affectionne particulièrement les salles à petites jauges qui permettent une proximité directe avec les musiciens et une immersion dans le public pour mieux « vivre » les photos. Cela dit, je vais régulièrement au Hellfest qui offre une richesse de programmation très appréciable (avec toujours des découvertes à la clé) et une ambiance d’une convivialité rare ; mais j’évite les Main Stages : trop de monde et une programmation qui me convient moins que les autres scènes du festival.
Quant aux types de groupes qui sont présentés dans l’expo, je vais faire référence aux sous-genre de métal qu’ils pratiquent pour donner une portée plus générale, plus en accord avec l’esprit de l’expo. Sont donc représentés des groupes de sludge, de black et death métal, de post-métal, postcore, hardcore, doom, drone métal, screamo.
Amandine : As-tu le projet de faire éditer un livre à l’issue de ton exposition ? As-tu d’autres projets ?
Ronan : Le projet d’édition de livre « papier » représente pour moi un complément artistique d’une exposition ou un projet à part entière. Je suis attaché au « papier » et à l’objet « livre » – surtout quand il est beau – plutôt qu’au virtuel numérique (d’ailleurs je n’ai pas de compte sur les réseaux sociaux). Un tel projet m’intéresse pour « Métal Zôon », mais je n’ai, pour l’heure, rien de concret d’abord parce que je n’ai pas eu le temps de creuser cette piste (la photo, je le rappelle, est une passion mais j’ai un travail, chronophage lui aussi, à côté). J’ai, par ailleurs, investi personnellement dans le financement de l’exposition car j’ai particulièrement soigné les tirages que je voulais de qualité « tirages d’art ». J’aurais donc besoin de financements pour aller plus loin, vers un projet de livre.
J’en profite pour mentionner que l’exposition est modeste en taille (la galerie est petite) mais j’ai porté une attention particulière au choix des photos et à la qualité des tirages réalisés par le tireur professionnel de « l‘Atelier des photographes » à Angers, que je remercie pour ses conseils. Je veux aussi, et surtout, remercier John Moleenar de la galerie Trois Murs (https://www.troismurs.art/) qui me permet de proposer ce travail et qui m’a fait confiance, sans oublier Catherine Tacconi, la graphiste qui a fait l’affiche et les mairies des communes de Savennières et Behuard qui ont accueilli l’exposition.
Pour conclure, j’ai en tête plein d’autres projets photographiques (qui pourraient être sous forme d’expos ou de livres). J’en ai déjà initié certains, sur des thématiques très différentes. Mais j’aimerais aussi pouvoir présenter Métal Zôon ou d’autres travaux sur la photo de concert dans d’autres lieux et, si possible, mixer avec la photographie, les arts musicaux, picturaux, littéraires… par des collaborations avec des artistes variés.
Je remercie Ronan Le Saux d’avoir pris un peu de son temps si précieux pour répondre à mes quesions.
Par des photographies de metalleux et metalleuses tatoués qu’il a prises lors des éditions 2016 et 2017 du Hellfest, Ronan Le Saux a aussi illustré le numéro Paradoxal Metal de la revue Volume! dirigée par Gérôme Guibert, distribué par Les Presses du Réel.
Iconographie : Série “Tatouages” par Ronan Le Saux.
Ronan Le Saux a aussi photographié la biennale de ISMMS (International Society of Metal Music Studies) au Lieu Unique à Nantes du 17 juin au 20 juin 2019. 📸 Galerie photo de Ronan Le Saux pour l’ISMMS en ligne : https://www.francemetalstudies.org/photos/
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