J’ai assisté à la première de Timon/Titus le vendredi 20 novembre 2015 au Théâtre National de Bretagne, salle Vilar.

La pièce prend pour prétexte littéraire deux œuvres de Shakespeare Timon d’Athènes et Titus Andronicus, mais l’œuvre de Shakespeare n’est pas moins mise en scène que l’ouvrage de David Graeber, anthropologue américain, Dette, 5000 ans d’histoire. Or, quel lien unit Shakespeare à Graeber ? Le collectif OS’O réplique : la dette !

Dès le début du spectacle, le thème est donné ainsi que le ton : on traitera de la dette, sujet somme toute grave, mais de manière grand-guignolesque.

Tandis qu’ils nous racontent Shakespeare, les acteurs jouent un drame familial : six enfants (quatre enfants légitimes et deux non-légitimes) autour du testament du père tyrannique, enfin mort. Et le drame s’interrompt après quelques meurtres pour un intermède : chaque acteur se range, chacun derrière son bureau et son idéologie, et s’ouvre un débat politique autour de la dette sur fond des thèses de David Graeber. Et le drame reprend : les acteurs nous jouent une autre version du drame familial, comme si c’était rembobiné ! Et le drame s’interrompt pour un nouvel intermède politique. Et le spectacle se termine… On en demanderait juste encore !

J’ai rencontré le lendemain de la première, trois membres du Collectif OS’O, avant la seconde et dernière représentation du spectacle Timon/Titus au festival Mettre En Scène.

Le Collectif OS’O (On S’Organise) réunit d’anciens élèves de l’école du TNBA (Théâtre National de Bordeaux Aquitaine) autour de David Czesienski, qu’ils ont rencontré lors d’un voyage d’étude à Berlin. Ainsi, David Czesienski a mis en scène les comédiens du Collectif OS’O et leur a donné le thème de la dette ainsi que les références de Shakespeare et de David Graeber qu’ils ont croisées.

A l’image d’un spectacle bicéphale, tel le nom double du spectacle, Timon/Titus, telle sa référence double, Shakespeare/Graeber, chaque acteur endosse en fait un rôle double : son rôle familial et son rôle politique. Les membres du Collectif OS’O se revendiquent non comme des acteurs-interprètes, mais comme des acteurs-créateurs. Chaque acteur a en effet participé à l’écriture de son propre double-rôle : son rôle au sein de la famille shakespearienne, chacun étant affilié à un ou plusieurs personnages des deux pièces Timon et Titus, et surtout aussi à l’écriture de son rôle au sein du débat autour de la dette, chacun ayant choisi sa famille politique au-delà de ses opinions personnelles. Les membres du collectif OS’O m’ont confié la difficulté de l’exercice, c’est qu’ils tombaient tous d’accord sur les thèses de David Graeber !

A la question “avoir 20 ans et être en école de théâtre”, s’ensuit une discussion avec les membres du Collectif OS’O, il en ressort que ce n’est pas tant avoir 20 ans et être en école de théâtre qui est intéressant : tant qu’on reste à l’école, on vit dans un microcosme où l’on est protégé. Ce qui est intéressant, c’est ce que l’on fait après l’école de théâtre, avec tout ce que l’on a appris lorsqu’on se confronte au monde réel. On se rappelle qu’on est artiste, mais le monde nous rappelle que l’on n’est pas que des artistes.

Le spectacle Timon/Titus a été créé en novembre 2014, a reçu le prix du jury et celui du public au festival Impatience 2015 et a prêté son image pour l’affiche de la 20e édition du Festival Mettre En Scène.